© Romann Ramshorn - Tous droits réservés
La première fois que j'ai rencontré Romann Ramshorn, celui-ci m'a parlé de photographie post-humaniste. Ou comment, en cette période de crise économique, sociale et morale, replacer l'humain au centre de nos préoccupations quotidiennes, qu'il s'agisse de la rencontre avec l'Autre comme de la reconquête de soi.
En découvrant la série Ces étrangers... que nous sommes , j'ai repensé à cette discussion. Cette série ressemble à une quête, apportant les réponses indispensables pour la poursuivre, sans pour autant répondre à toutes les questions. Plusieurs années et de nombreux voyages ont été nécessaires pour réaliser ces images, des mois de réflexion pour les assembler, telles des pièces d'un puzzle dont le modèle a été égaré. Cette série était-elle préméditée ? Romann a -t-il nourri inconsciemment une quête qui a mené à celle-ci ? Il me confie : "Trois séries ont disparu pour créer "Ces étrangers... que nous sommes" : une sur New York, une sur la photo de rue, et une autre sur des compositions décalées. Lors de la fusion, la sélection s'est opérée d'elle-même, car dans les trois, la notion de perdition, d'étrangeté, revenait sans cesse. Cela ne fonctionnait pas avec toutes, mais en en éliminant un peu plus de la moitié, j'avais ma nouvelle série ! Donc oui une sorte de quête inconsciente rôdait depuis plusieurs années, mais l'idée fédératrice ne s'est révélée que plus tard."
D'Istanbul à Montalivet-les-Bains, de New York à Singapour, d'un recoin de Paris aux ruelles hautes perchées de Fanjeaux, de Roumanie en Serbie, de Porto à Trieste, je me laisse surprendre par l'étrangeté d'images que tout semble opposer et qui pourtant, pas à pas, se répondent silencieusement. "Pour moi, elles traduisent un même sentiment, explique Romann. "Celui d'une certaine difficulté à s'approprier le milieu dans lequel nous vivons. Perdus, masqués, cachés, dépassés, fatigués, tendus, réduits à des ombres, à des silhouettes, mes "personnages" ont tous un peu de mal à se situer, voire à exister par et pour eux-même. Pour eux, le monde est devenu trop complexe pour s'y épanouir tout à fait, où qu'ils soient. Même les trois personnes sur le toit terrasse de la mosquée de Mardin, en costume, semblent trop aspirés par leurs préoccupations pour être sensibles au paysage derrière eux, ou à la symbolique spirituelle du monument sur lequel ils marchent. C'est cette fragilité là que j'ai voulu retranscrire, des Hommes pris dans les exigences d'une structure formelle plus ou moins rigide qui, elle, renvoie, en résumé, à la pression normative et régulatrice ambiante."
En intitulant sa série Ces étrangers... que nous sommes, on pourrait croire que Romann tente d'inverser les rôles. Mais il n'en est rien. "Je ne crois pas avoir inversé les rôles ! Lorsque je suis à Istanbul, et que je photographie un Turc, c'est bien moi l'étranger, pas lui ! Mais il ne s'agit pas juste de dire que nous sommes tous l'étranger de quelqu'un. Je pense surtout que nous sommes devenus étrangers à nous-mêmes, à notre propre environnement. La standardisation des modes de vie, la communication de masse, la rapidité foudroyante avec laquelle le monde a évolué en un peu plus d'un demi-siècle, tout cela n'a pas eu que des effets positifs ! La question de l'identité, qu'elle soit intime ou culturelle, a été profondément bouleversée. Le divertissement et la consommation, omniprésents, cherchent à tenir lieu de repères et de valeurs, et les conséquences de ce constat sont nombreuses. Tout cela devrait engager différents niveaux de remise en question, et à mon sens le premier serait d'accorder de l'attention et du temps à soi-même et à ses proches !"
Dépasser ce stade de l'étranger serait-il alors un objectif en soi ? Romann ne l'imagine pas. "En ce qui me concerne, lorsque je voyage, je ne cherche absolument pas à dépasser mon statut d'étranger. Au contraire, cet état fait partie de ma source d'inspiration. Je ne veux pas devenir autre, je recherche juste une expérience pleine et entière de l'autre, et pour cela je dois tenter de rester moi-même. Et c'est là toute la difficulté ! Moi aussi je suis pris dans le tourbillon, je me perds, je m'égare... Alors le vrai défi serait de partir à sa propre reconquête, et de remettre l'humain et la nature dans nos vies de tous les jours ! Dès que j'ai la solution, promis, je te passe immédiatement un coup de fil !"
Propos recueillis par Gérald Vidamment
>> Romann Ramshorn est le photographe-invité de l'Acte II de L'Exposition Originale
>> Découvrir la série Istanbul Hüzün, présentée dans Le Révélateur
En découvrant la série Ces étrangers... que nous sommes , j'ai repensé à cette discussion. Cette série ressemble à une quête, apportant les réponses indispensables pour la poursuivre, sans pour autant répondre à toutes les questions. Plusieurs années et de nombreux voyages ont été nécessaires pour réaliser ces images, des mois de réflexion pour les assembler, telles des pièces d'un puzzle dont le modèle a été égaré. Cette série était-elle préméditée ? Romann a -t-il nourri inconsciemment une quête qui a mené à celle-ci ? Il me confie : "Trois séries ont disparu pour créer "Ces étrangers... que nous sommes" : une sur New York, une sur la photo de rue, et une autre sur des compositions décalées. Lors de la fusion, la sélection s'est opérée d'elle-même, car dans les trois, la notion de perdition, d'étrangeté, revenait sans cesse. Cela ne fonctionnait pas avec toutes, mais en en éliminant un peu plus de la moitié, j'avais ma nouvelle série ! Donc oui une sorte de quête inconsciente rôdait depuis plusieurs années, mais l'idée fédératrice ne s'est révélée que plus tard."
D'Istanbul à Montalivet-les-Bains, de New York à Singapour, d'un recoin de Paris aux ruelles hautes perchées de Fanjeaux, de Roumanie en Serbie, de Porto à Trieste, je me laisse surprendre par l'étrangeté d'images que tout semble opposer et qui pourtant, pas à pas, se répondent silencieusement. "Pour moi, elles traduisent un même sentiment, explique Romann. "Celui d'une certaine difficulté à s'approprier le milieu dans lequel nous vivons. Perdus, masqués, cachés, dépassés, fatigués, tendus, réduits à des ombres, à des silhouettes, mes "personnages" ont tous un peu de mal à se situer, voire à exister par et pour eux-même. Pour eux, le monde est devenu trop complexe pour s'y épanouir tout à fait, où qu'ils soient. Même les trois personnes sur le toit terrasse de la mosquée de Mardin, en costume, semblent trop aspirés par leurs préoccupations pour être sensibles au paysage derrière eux, ou à la symbolique spirituelle du monument sur lequel ils marchent. C'est cette fragilité là que j'ai voulu retranscrire, des Hommes pris dans les exigences d'une structure formelle plus ou moins rigide qui, elle, renvoie, en résumé, à la pression normative et régulatrice ambiante."
En intitulant sa série Ces étrangers... que nous sommes, on pourrait croire que Romann tente d'inverser les rôles. Mais il n'en est rien. "Je ne crois pas avoir inversé les rôles ! Lorsque je suis à Istanbul, et que je photographie un Turc, c'est bien moi l'étranger, pas lui ! Mais il ne s'agit pas juste de dire que nous sommes tous l'étranger de quelqu'un. Je pense surtout que nous sommes devenus étrangers à nous-mêmes, à notre propre environnement. La standardisation des modes de vie, la communication de masse, la rapidité foudroyante avec laquelle le monde a évolué en un peu plus d'un demi-siècle, tout cela n'a pas eu que des effets positifs ! La question de l'identité, qu'elle soit intime ou culturelle, a été profondément bouleversée. Le divertissement et la consommation, omniprésents, cherchent à tenir lieu de repères et de valeurs, et les conséquences de ce constat sont nombreuses. Tout cela devrait engager différents niveaux de remise en question, et à mon sens le premier serait d'accorder de l'attention et du temps à soi-même et à ses proches !"
Dépasser ce stade de l'étranger serait-il alors un objectif en soi ? Romann ne l'imagine pas. "En ce qui me concerne, lorsque je voyage, je ne cherche absolument pas à dépasser mon statut d'étranger. Au contraire, cet état fait partie de ma source d'inspiration. Je ne veux pas devenir autre, je recherche juste une expérience pleine et entière de l'autre, et pour cela je dois tenter de rester moi-même. Et c'est là toute la difficulté ! Moi aussi je suis pris dans le tourbillon, je me perds, je m'égare... Alors le vrai défi serait de partir à sa propre reconquête, et de remettre l'humain et la nature dans nos vies de tous les jours ! Dès que j'ai la solution, promis, je te passe immédiatement un coup de fil !"
Propos recueillis par Gérald Vidamment
>> Romann Ramshorn est le photographe-invité de l'Acte II de L'Exposition Originale
>> Découvrir la série Istanbul Hüzün, présentée dans Le Révélateur
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