Comment régler un conflit opposant un photographe et l’organisateur d’un spectacle ?


par Me Joëlle Verbrugge, le Lundi 1 Avril 2013

Chroniqueuse au magazine Compétence Photo et auteure du livre "Vendre ses photos", l'avocate Me Joëlle Verbrugge répond à vos questions concernant le droit en photographie.


La question d'un lecteur

Vice président d’une association, nous produisons chaque année un spectacle historique (120 bénévoles sur scène, plus de 500 costumes). Je recherche des photos du spectacle pour le plaisir de mes bénévoles qui se voient et qui ont des tirages, ainsi que pour éventuellement faire de la promotion (10 - 12 clichés/an). Des amis photographes professionnels ou amateurs me fournissent en cliché (si leurs clichés sont retenus pour une affiche, ils figurent sur celle-ci).
Un autre ami amateur éclairé a fait sur demande de certains bénévoles, des photos en coulisses qu’il m’a communiqués tagués, m’interdisant de les communiquer, mais qu’ils diffusent à certains. En coulisses il n’a aucun accord de certains des bénévoles.
Il est venu, en place VIP, prendre des photos du spectacle qu’il ne me communique pas.
A-t-il le droit de diffuser ces photos, sans me les communiquer et sans mentionner sur les photos la référence au spectacle ?
J’avoue être stupéfait de ses réactions psychorigides, dans le cadre de bénévoles qui recherchent un souvenir de leurs prestations et alors que rien n’est commercialisé. S’il existe le droit à l’image qui reconnait le travail accompli, je possède un droit au travail accompli, depuis dix ans, en tant qu’organisateur et metteur en scène.
Jean C. G.

La réponse de Me Joëlle Verbrugge

© C. Le Brozec
Vous êtes dans le cas classique de conflit entre, d’une part, l’organisateur/producteur d’un spectacle qui peut à tout le moins exiger que le nom du spectacle soit mentionné sur les photographies, et d’autre part le droit d’auteur du photographe sur ses clichés.
Par ailleurs, si certains participants ont plus qu’un rôle de figurant, mais bien un rôle d’acteurs, ils peuvent éventuellement faire valoir, sur leur prestation, ce qu’on appelle un "droit voisin". Ce droit est celui reconnu par les articles L211-1 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle aux interprètes de s’opposer à la reproduction de leur prestation.
Toutefois, la loi ne règle que très sommairement la question du conflit entre ces droits opposés et de très nombreux conflits éclatent entre les artistes et les photographes à ce niveau, à tel point qu’il est même étonnant qu’il n’y ait pas plus de jurisprudence sur ce point.
Avant même de définir et de délimiter le droit voisin, le Code indique toutefois que "les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs" (art L211-1 du CPI) et ne peuvent pas être interprétés de manière à limiter l’exercice du droit d’auteur par ses titulaires.

Avec cela, vous n’êtes toutefois pas avancé… Par contre un point attire mon attention. Vous m’indiquez que ce photographe serait lui-même amateur. Il n’a dès lors pas le droit de vendre des tirages ordinaires (non numérotés et non signés) aux participants… Ce faisant, il fait un acte de commerce, ce qu’il convient peut-être de lui rappeler, en lui expliquant que la seule façon de procéder serait de vous céder les droits sur ces photos, comme il avait été convenu sans doute entre vous au départ.

Pas de solution miracle, je le crains, et il vous paraîtra évident, au final, qu’une accréditation préalable devra être établie à l’avenir pour bien encadrer cet "échange de bons procédés".

Dans l’immédiat, vous pouvez en tout état de cause exiger qu’il mentionne le nom du spectacle lors de chaque diffusion.
De son côté, il invoquera sans doute le droit à l’information ou à la liberté d’expression artistique pour justifier de la diffusion, et dans l’état actuel des choses cela est conforme à la jurisprudence.
Je crains que pour une diffusion gratuite des photos par le photographe en question, vous n’ayez que peu de moyens de l’empêcher. Par contre, si la diffusion devient plus "commerciale", d’une part il court un risque personnel en vendant éventuellement des tirages aux participants, et d’autre part vous pouvez alors tenter de faire valoir votre propre droit d’auteur sur le spectacle ainsi reproduit à des fins commerciales, de surcroît sans mention du nom du spectacle. Mais la jurisprudence est à ce point rare qu’il est difficile de vous donner une réponse parfaitement claire. Par contre, il va de soi que rien ne vous oblige de lui laisser à nouveau accès à votre spectacle l’année prochaine.

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