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L'image matinale • La Conversation masquée, par Arié Botbol


PAR Gérald Vidamment, Mardi 2 Juin 2020



La photo de rue réserve de bien belles surprises à qui sait observer. Ce samedi-là, Arié Botbol sut saisir le spectacle qui s'offrait à tous, mais auquel lui seul assista. Un spectacle figé, un instant suspendu, "à la manière des Joueurs de cartes de Cézanne ou d’une mélancolique toile d’Edward Hopper", laisse échapper Arié. La comparaison croisée fait mouche, nous faisant étrangement basculer d'un siècle à l'autre, tantôt en 1890, tantôt au début des années 40.

Recontextualisons. Nous sommes le 23 mai 2020, sur la promenade des Anglais, non loin du numéro trente-sept où s'érige le prestigieux hôtel Le Negresco, lieu de rendez-vous de la jet society internationale depuis 1913. Ayant grandi à Nice à la fin des années soixante, Arié est revenu quelques années plus tard dans le Pays niçois où il exerce désormais en tant que photojournaliste au studio Hans Lucas. Comme souvent depuis la fin du confinement, le photographe prend plaisir à sillonner l'une des plus belles avenues du monde longeant le bord de mer. Il s'arrête alors brusquement à la hauteur d'un groupe de six personnes âgées, se tenant assises sur deux bancs de couleur blanche. "Période de déconfinement oblige, ils portent des masques et conversent entre eux. Enfin, plus précisément, trois d’entre eux sont équipés de masques et se tiennent à bonne distance, dans une symétrie triangulaire. Les trois autres protagonistes n’en portent pas et sont plus proches les uns des autres", me raconte Arié. "Cette répartition est sans doute assez représentative du respect des gestes barrières imposés par la crise sanitaire qui touche la planète. Les nouveaux comportement sociaux, même entre amis, sont impactés par ces nouvelles règles."

La scène pourrait sembler fort commune en cette période de "libération" ; presque anecdotique. Et pourtant, elle capte notre attention, car elle questionne sur la réelle spontanéité de la situation. Arié lève alors immédiatement le doute : "Bien que l’on puisse penser, par la symétrie et la composition des personnages dans le cadre de mon 28 mm, qu'il s'agit là d'une mise en scène minutieusement préparée, je confirme que cette prise de vue a bien été réalisée sur le vif. Alors que je terminais une sortie photographique destinée à documenter le comportement des Niçois sur les plages dynamiques, j’ai immédiatement été saisi par la scène quasi théâtrale qui se jouait devant moi." On retrouve en effet les personnages de Cézanne - trois joueurs figuraient sur les premières versions des Joueurs de cartes, entourés de deux observateurs. Nez à nez, figés et chapeautés. "La ligne d’horizon à hauteur des chapeaux, les ombres au sol à la manière d’un cadran solaire, et les couleurs pastels des vêtements contribuent à l’équilibre de la photographie. La présence du pigeon venant se raidir entre deux raies d’ombre est un joli cadeau", complète Arié.

Leica Q2 • 28 mm • f/6,3 • 1/1000 s • 200 ISO

Qui ? Arié Botbol photographe / studio Hans LucasOù ? compte Instagram