Alors que le New York Times publiait dimanche dernier, 31 mars 2013, un article en Une de son édition papier à propos des récents déboires et de l’avenir professionnel d’Alex Rodriguez, joueur de baseball évoluant au sein de l’équipe des Yankees de New York, ce ne sont curieusement pas les propos tenus par le journaliste David Waldstein qui ont fait réagir la profession mais bien davantage la photo utilisée pour illustrer son papier. Réalisée avec un iPhone et retouchée au moyen de l’application Instagram, cette image fait le tour du web depuis trois jours. L’auteur de celle-ci n’est autre que Nick Laham, un photographe australien installé aux Etats-Unis et spécialisé dans la photo de sport et le portrait.
La Une du New York Times du 31 mars 2013
Comment donc expliquer que ce professionnel émérite ait utilisé un smartphone pour réaliser le portrait d’Alex Rodriguez et que les iconographes du New York Times, présenté comme un quotidien sérieux - nombre de journalistes n’hésitent pas à le rappeler pour l’occasion -, aient fait ce choit déroutant, bien que ce ne soit pas la première fois que le média publie une image produite avec un mobile ? Nick Laham s’en explique en ces termes : "So yes. That was me in the locker room bathroom shooting portraits of the New York Yankees players with my iPhone. This was not my choice, I wasn’t given the option of studio or bathroom stall and decided on the latter. I joined the chain of photographers at 6am in the confines of the New York Yankees Spring Training facility in Tampa, and took what space I could get and worked with it. Below is a set of images shot with my iPhone and processed through Instagram".
En somme, le photographe semble avoir été pris au dépourvu lors de cette séance photo improvisée. Sans appareil photo ce jour-là et ne profitant semble-t-il pas de conditions de prise de vue idéales pour organiser une séance studio, il aurait donc choisi de se servir de son smartphone pour tirer le portrait du joueur. Certes, les vestiaires ne sont pas en soi un lieu conçu pour la prise de vue studio, pour laquelle le matériel d’éclairage exige un minimum d’espace. Mais cela ne justifie pas pour autant le recours à un mobile en lieu et place d’un reflex, dont l’encombrement, même dans une pièce exsangue, reste pour le moins acceptable et n’empêche pas a fortiori la production d’images. Nick Laham aurait-il alors oublié son boîtier ? Si tel fut le cas, comment expliquer alors la présence d’une source d’éclairage installée dans les vestiaires ? Celle-ci est notamment visible sur un cliché publié sur le site des Inrocks, sans doute réalisé au moyen d’un autre mobile… Peut-on sérieusement imaginer qu’un photographe oublie par mégarde son boîtier tout en se déplaçant avec du matériel d’éclairage ? Le recours à un mobile semblerait donc ici avoir davantage été un choix délibéré du photographe.
Au lendemain de la publication dans le New York Times, la journaliste Megan Rose Dickey écrivait dans le Business Insider qu’une telle démarche est « un problème pour la photographie traditionnelle ». « The skills needed to make beautiful shots that are worthy of the cover of a newspaper continue to diminish rapidly », justifiait-elle. Ce à quoi Andrew Beaujon, de Poynter, s’est immédiatement opposé, avançant que Nick Laham reste un portraitiste professionnel et accompli. « “Skills” seems like the wrong word — in addition to an app that people usually use to take pictures of sunsets and fancy cocktails they’ve ordered, Laham is an accomplished sports portraitist who had access to the New York Yankees’ spring-training facilities. If his Yankees photos summon any larger narrative for photography, it may be how they’ve gotten out ».
Loin de moi l'idée de tirer des conclusions trop hâtives, mais cette publication soulève néanmoins plusieurs questionnements intéressants. En premier lieu, Nick Laham a-t-il choisi l’option du mobile comme une solution de recours ou a-t-il volontairement souhaité utiliser cet appareil pour obtenir un rendu très en vogue actuellement ? Ensuite, la banque d’images Getty Images, qui a très vite acquis les droits sur toutes les images de cette séance, aurait-elle agi à l’identique si le photographe avait utilisé un reflex ? N’oublions qu’il ne s’agit ici que de photographies de portraits, réalisées dans un temps limité, et à l’occasion d’un simple match d’entraînement. Cette publication n'est d'ailleurs pas sans rappeler le précédent du journal, qui avait publié le 22 novembre 2010 un reportage photo en Afghanistan entièrement réalisé à l'iPhone avec l'application Hipstamatic, et où les conditions de prise de vue étaient bien différentes, tout comme les raisons invoquées par le photographe quant à l'usage d'un mobile. Enfin, le choix du New York Times de publier cette photographie en Une de son édition papier répond-il à un besoin de suivre les tendances photographiques techno-vintage du moment tout en créant un non-événement dans l’événement ? Notons à ce sujet que l’article également publié sur le site du New York Times fait figurer en haut de page une autre photographie, certes plus classique – il s’agit d’une image de reportage, signée Barton Silverman - mais bien plus en corrélation avec les propos du journaliste.
Le débat concernant la place et l’usage des nouvelles technologies en matière de photographie ne fait que commencer. Car plus que jamais, et au-delà de toute considération matérielle, c’est bien l’intention, photographique comme éditoriale, qui est au cœur du sujet.
En somme, le photographe semble avoir été pris au dépourvu lors de cette séance photo improvisée. Sans appareil photo ce jour-là et ne profitant semble-t-il pas de conditions de prise de vue idéales pour organiser une séance studio, il aurait donc choisi de se servir de son smartphone pour tirer le portrait du joueur. Certes, les vestiaires ne sont pas en soi un lieu conçu pour la prise de vue studio, pour laquelle le matériel d’éclairage exige un minimum d’espace. Mais cela ne justifie pas pour autant le recours à un mobile en lieu et place d’un reflex, dont l’encombrement, même dans une pièce exsangue, reste pour le moins acceptable et n’empêche pas a fortiori la production d’images. Nick Laham aurait-il alors oublié son boîtier ? Si tel fut le cas, comment expliquer alors la présence d’une source d’éclairage installée dans les vestiaires ? Celle-ci est notamment visible sur un cliché publié sur le site des Inrocks, sans doute réalisé au moyen d’un autre mobile… Peut-on sérieusement imaginer qu’un photographe oublie par mégarde son boîtier tout en se déplaçant avec du matériel d’éclairage ? Le recours à un mobile semblerait donc ici avoir davantage été un choix délibéré du photographe.
Au lendemain de la publication dans le New York Times, la journaliste Megan Rose Dickey écrivait dans le Business Insider qu’une telle démarche est « un problème pour la photographie traditionnelle ». « The skills needed to make beautiful shots that are worthy of the cover of a newspaper continue to diminish rapidly », justifiait-elle. Ce à quoi Andrew Beaujon, de Poynter, s’est immédiatement opposé, avançant que Nick Laham reste un portraitiste professionnel et accompli. « “Skills” seems like the wrong word — in addition to an app that people usually use to take pictures of sunsets and fancy cocktails they’ve ordered, Laham is an accomplished sports portraitist who had access to the New York Yankees’ spring-training facilities. If his Yankees photos summon any larger narrative for photography, it may be how they’ve gotten out ».
Loin de moi l'idée de tirer des conclusions trop hâtives, mais cette publication soulève néanmoins plusieurs questionnements intéressants. En premier lieu, Nick Laham a-t-il choisi l’option du mobile comme une solution de recours ou a-t-il volontairement souhaité utiliser cet appareil pour obtenir un rendu très en vogue actuellement ? Ensuite, la banque d’images Getty Images, qui a très vite acquis les droits sur toutes les images de cette séance, aurait-elle agi à l’identique si le photographe avait utilisé un reflex ? N’oublions qu’il ne s’agit ici que de photographies de portraits, réalisées dans un temps limité, et à l’occasion d’un simple match d’entraînement. Cette publication n'est d'ailleurs pas sans rappeler le précédent du journal, qui avait publié le 22 novembre 2010 un reportage photo en Afghanistan entièrement réalisé à l'iPhone avec l'application Hipstamatic, et où les conditions de prise de vue étaient bien différentes, tout comme les raisons invoquées par le photographe quant à l'usage d'un mobile. Enfin, le choix du New York Times de publier cette photographie en Une de son édition papier répond-il à un besoin de suivre les tendances photographiques techno-vintage du moment tout en créant un non-événement dans l’événement ? Notons à ce sujet que l’article également publié sur le site du New York Times fait figurer en haut de page une autre photographie, certes plus classique – il s’agit d’une image de reportage, signée Barton Silverman - mais bien plus en corrélation avec les propos du journaliste.
Le débat concernant la place et l’usage des nouvelles technologies en matière de photographie ne fait que commencer. Car plus que jamais, et au-delà de toute considération matérielle, c’est bien l’intention, photographique comme éditoriale, qui est au cœur du sujet.
La série complète des photographies de la séance est visible sur le site du Wall Street Journal