Sabine Weiss, la "Little big Woman" invitée d’honneur des Confrontations Photo 2016


par Gérald Vidamment, le Vendredi 16 Septembre 2016


À l’occasion des 4e Confrontations Photo, qui se tiendront à l’espace Perdtemps à Gex du 30 septembre au 2 octobre, la photographe franco-suisse Sabine Weiss présentera une grande exposition en qualité d’invitée d’honneur. Après la Fondation Gilles Caron, le festival fait la part belle à la photographie humaniste et à une femme photographe hors pair, ayant débuté la photographie à l’âge de dix-sept ans pour intégrer l’agence Rapho moins de dix ans plus tard. Pourquoi ce choix ? Olivier Robert, directeur du festival, nous répond.
Je suis un cheval, Espagne, 1954 © Sabine Weiss

GV : Qu’est-ce qui a motivé le choix de proposer à Sabine Weiss d’être l’invitée d’honneur de cette nouvelle édition ?

Olivier Robert : Il y a deux ans, Les Confrontations Photo avaient fait la part belle au photojournalisme autour de la fondation Gilles Caron. L’expérience fut passionnante mais nous n’avons jamais souhaité donner un thème pérenne au festival. Et puis l’idée de repartir presque à zéro est assez grisante... Nous avions donc envie de changer tout à fait la "couleur" de cette nouvelle édition, de nous tourner à la fois vers notre voisine la Suisse et de proposer une programmation plus féminine. Très rapidement après le festival, il y a eu le Salon de la Photo et comme une évidence… C’est par l’intermédiaire de Jean-Pierre Revel et grâce à Charles-Henri Favrod, fondateur du musée de l’Elysée à Lausanne que nous avons contacté Sabine.
Sabine Weiss, photographiée par Yoann Tessier

Comment présenteriez-vous la personnalité de Sabine Weiss ?

"Little big Woman" ! Empathique, malicieuse, affutée, modeste. La très grande professionnelle de l’image est immédiatement présente dès qu’on travaille sur ses photos ; c’est remarquable, au sens strict du terme.

Sabine Weiss ne souhaite pas être considérée comme une artiste mais davantage comme un témoin de son époque. Selon vous, la photographie humaniste permet-elle une ouverture vers un travail artistique ?

Elle le permet. L’association n’est à mon sens pas gênante. Dans la photographie humanisme – en tout cas celle à laquelle on rattache généralement le travail de Sabine Weiss – nous ne sommes pas au sein d’une photographie qui veut et doit rendre compte objectivement, au sens journalistique du terme. Être un photographe humaniste est, je crois, une forme de transmission, non d’une information, mais des émotions que nos contemporains dans leur environnement ont suscitées en nous. Les humanistes photographient un certain quotidien avec une empathie toute particulière certes, mais forcément soumise aux influences de leur propre quotidien. Si la même scène se présentait à eux, prendraient-ils la même image deux matins de suite ?
Alors, restons-nous témoins dès que les émotions s’en mêlent ? Entrons-nous conséquemment dans le monde de l’art quand nous laissons ces mêmes émotions s’en mêler ? Pourquoi ne pas proposer ces questions au bac philo ?
N’oublions pas finalement que Sabine Weiss a épousé un peintre, a été l’amie d’immenses artistes et connaît bien ce monde particulier. J’ai été frappé chez elle de voir ses murs couverts de souvenirs, de collections, d’objets d’art… mais pas de photographies. Je pense qu’il y a une sincère modestie dans ce refus d’une postérité artistique qui de toute façon échappera à ses protagonistes.
Sortie de metro, Paris, 1955 © Sabine Weiss

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la photographie humaniste, en France et à l’étranger ?

Les photographes humanistes français de l’après-guerre sont véritablement entrés dans la légende, créant ainsi des références qui sont sans doute difficiles à déboulonner. C’est vrai, à tel point que si l’on demandait à tous les visiteurs du festival de citer un photographe célèbre, il y a fort à parier qu’un humaniste "classique" arriverait en tête des réponses. Il y a un style humaniste français.
Du coup, je ne sais pas trop définir ce que l’on placerait aujourd’hui dans la photographie humaniste. C’est compliqué. J’ai tapé sur Google « photographes humanistes actuels »…
La photographie humaniste semble s’être déplacée depuis quelques décennies vers une photographie que je qualifierais de plus « sociale » et aux sujets forcément plus engagés. Une sorte d’intermédiaire entre une photographie qui rendrait compte et une illustration de l’Humain dans son environnement. Ce n’est pas une révolution, à sa naissance, le courant humaniste avait déjà flirté avec la photographie sociale, en particulier dans l’Amérique de la Grande Dépression.

Quels travaux de Sabine Weiss seront présentés aux Confrontations Photo ? Comment s’est effectuée la sélection ?

C’est sur la base de sa série "En passant", qu’elle affectionne particulièrement et qui je le pense, est une belle représentation de son travail humaniste, que nous avons réalisé l’espace de Sabine. Autour des images encadrées de manière classique, nous avons fait préparer des tirages grand format afin de créer des ruptures dans la scénographie et mettre en avant quelques photos qui nous touchent particulièrement. Le grand triptyque qui accueillera le public à l’entrée de l’espace regroupe des images que l’on n’a sans doute pas l’habitude d’associer. Cet ensemble est comme une histoire qui pourrait, je le crois, être racontée par Sabine Weiss.
Jeune mineur dans le Nord de la France, 1955 © Sabine Weiss

Est-il prévu une rencontre avec le public ? Une conférence ?

Oui, deux temps particuliers : tout d’abord le vendredi 30 septembre à la Halle Perdtemps, Sabine tient à être présente pour rencontrer les groupes scolaires de toute la région. Ensuite, elle a accepté de se prêter au jeu des questions/réponses face au public le samedi 1er octobre à 11 heures. Une belle confrontation en perspective.
Porte de Vanves, Paris, 1951 © Sabine Weiss

Sabine Weiss est entrée à l’agence Rapho dès l’âge de 26 ans. Que pensez-vous du déclin actuel des agences ? N’ont-elles plus d’avenir ou faut-il repenser leur fonctionnement, leurs objectifs ?

Je ne suis pas sûr d’avoir la compétence pour répondre à une telle question. Je constate simplement qu’il y a plus de vitesse… et de velléité d’indépendance dans notre monde actuel. La photographie n’y échappe pas.