Si vous ne connaissez pas encore les éditions Charlotte Sometimes, il est grand temps de combler cette lacune. Si la structure est récente, elle compte déjà plusieurs projets d’édition de qualité : la revue PEAH, les livres Un passé sous silence d’Émilie Arfeuil et Tropique du Cancer d’Ulrich Lebeuf (en présentation à Arles cette année notamment à la Galerie Joseph Antonin, des sérigraphies dont fracture de Sandra Fastré et enfin quelques catalogues d’exposition. Derrière cette production déjà riche et sans concession, une femme : Charlotte Guy, la tête sur les épaules et les pensées perdues dans ses lectures de poésie.
Cette année, pour la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles, elle a eu l’idée, l’envie de proposer un fanzine rassemblant quarante-huit images de photographes du studio Hans Lucas et un texte de Christophe Manon. Il se vend dans la rue (6 €), ici ou là, Place du Forum ou au Boudoir 2.0, mais pas que. Pour obtenir un exemplaire, il faudra faire l’effort de la trouver, elle ou un de ses acolytes rompus à l’exercice de la vente à la sauvette, sous le manteau d’été.
Cette année, pour la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles, elle a eu l’idée, l’envie de proposer un fanzine rassemblant quarante-huit images de photographes du studio Hans Lucas et un texte de Christophe Manon. Il se vend dans la rue (6 €), ici ou là, Place du Forum ou au Boudoir 2.0, mais pas que. Pour obtenir un exemplaire, il faudra faire l’effort de la trouver, elle ou un de ses acolytes rompus à l’exercice de la vente à la sauvette, sous le manteau d’été.
© Charlotte Gonzalez
Harl : She’s lost control, c’est quoi ?
Charlotte Guy : C’est un peu difficile à mettre dans une case, dans un type, She’s lost control puise sa conception de plusieurs supports.
Un livre c’est toujours un événement, j’ai l’idée que cela puisse réunir des écritures (photographies et textes), je l’avais déjà mis en œuvre avec la revue PEAH, le but étant de montrer des travaux, des auteurs, l’idée reste que l’objet soit beau, qu’on puisse s’y attacher, mais je voulais aussi que ce soit très abordable en terme de prix pour que tout le monde puisse "craquer", sans culpabilité.
Donc c’est un fanzine, car c’est imprimé en rizo (procédé entre l’offset et la photocopieuse - pour donner une idée), donc c’est aussi imprimé en noir et blanc, parce que ça coûte moins cher que la quadri, en revanche le papier j’ai pas pu taper en moins bonne qualité justement pour l’aspect "sensuel" du livre. Et donc à savoir que le fanzine est vendu au prix de production, on ne peut pas faire moins.
Dans le fanzine, il y a un aspect subversif que j’aime, quelque chose qui touche à l’urgence.
SLC je l’ai proposé deux mois avant Arles, au studio Hans Lucas, parce qu’il y a dans ce studio quelque chose de cette énergie un peu folle, ce grain de folie.
Autre référence pour le SLC, l’ordre du désordre, un extrait d’Aragon à propos de Godard (je fais mes devoirs, et on le sait que la poésie est mon dada) : « je ne voyais qu’une chose, une seule, et c’est que c’était beau. D’une beauté surhumaine. Physique jusque dans l’âme et l’imagination. Ce qu’on voit pendant deux heures est de cette beauté qui se suffit mal du mot beauté pour se définir : il faudrait dire de ce défilé d’images qu’il est, qu’elles sont simplement sublimes. [...] peindre l’ordre du désordre. Toujours... Le désordre de notre monde est sa matière, à l’issue des villes modernes, luisantes de néon et de formica, dans les quartiers suburbains ou les arrière-cours, ce que personne ne voit jamais avec les yeux de l’art, les poutrelles tordues, les machines rouillées, les déchets, les boîtes de conserves, des filins d’acier, tout ce bidonville de notre vie sans quoi nous ne pourrions vivre, mais que nous nous arrangeons pour ne pas voir. Et de cela comme de l’accident et du meurtre il fait la beauté. L’ordre de ce qui ne peut en avoir, par définition. »
Les artistes nous font voir les forces, les formes d’une ville, de la vie. C’est essentiel. Denis Roche disait les photographes [...] forment « une troupe de lucioles averties. Lucioles occupées à leur éclairages intermittent, survolant à basse altitudes les égarements du cœur et des esprits du temps contemporain. » Ma place est entre les eux, les artistes et un public.
Un livre c’est toujours un événement, j’ai l’idée que cela puisse réunir des écritures (photographies et textes), je l’avais déjà mis en œuvre avec la revue PEAH, le but étant de montrer des travaux, des auteurs, l’idée reste que l’objet soit beau, qu’on puisse s’y attacher, mais je voulais aussi que ce soit très abordable en terme de prix pour que tout le monde puisse "craquer", sans culpabilité.
Donc c’est un fanzine, car c’est imprimé en rizo (procédé entre l’offset et la photocopieuse - pour donner une idée), donc c’est aussi imprimé en noir et blanc, parce que ça coûte moins cher que la quadri, en revanche le papier j’ai pas pu taper en moins bonne qualité justement pour l’aspect "sensuel" du livre. Et donc à savoir que le fanzine est vendu au prix de production, on ne peut pas faire moins.
Dans le fanzine, il y a un aspect subversif que j’aime, quelque chose qui touche à l’urgence.
SLC je l’ai proposé deux mois avant Arles, au studio Hans Lucas, parce qu’il y a dans ce studio quelque chose de cette énergie un peu folle, ce grain de folie.
Autre référence pour le SLC, l’ordre du désordre, un extrait d’Aragon à propos de Godard (je fais mes devoirs, et on le sait que la poésie est mon dada) : « je ne voyais qu’une chose, une seule, et c’est que c’était beau. D’une beauté surhumaine. Physique jusque dans l’âme et l’imagination. Ce qu’on voit pendant deux heures est de cette beauté qui se suffit mal du mot beauté pour se définir : il faudrait dire de ce défilé d’images qu’il est, qu’elles sont simplement sublimes. [...] peindre l’ordre du désordre. Toujours... Le désordre de notre monde est sa matière, à l’issue des villes modernes, luisantes de néon et de formica, dans les quartiers suburbains ou les arrière-cours, ce que personne ne voit jamais avec les yeux de l’art, les poutrelles tordues, les machines rouillées, les déchets, les boîtes de conserves, des filins d’acier, tout ce bidonville de notre vie sans quoi nous ne pourrions vivre, mais que nous nous arrangeons pour ne pas voir. Et de cela comme de l’accident et du meurtre il fait la beauté. L’ordre de ce qui ne peut en avoir, par définition. »
Les artistes nous font voir les forces, les formes d’une ville, de la vie. C’est essentiel. Denis Roche disait les photographes [...] forment « une troupe de lucioles averties. Lucioles occupées à leur éclairages intermittent, survolant à basse altitudes les égarements du cœur et des esprits du temps contemporain. » Ma place est entre les eux, les artistes et un public.
Harl : Pourquoi faire un livre en 2016 ?
CG : Si ta question traite au numérique et à la pseudo disparition du livre : c’est du chiqué, le livre ne disparaîtra pas, et le numérique n’est qu’un nouveau support pour la médiation, la communication, il suffit de le traiter autrement selon ce qu’il est.
Le studio a une publication en ligne depuis plusieurs mois le Previously on Hans Lucas, j’adore ! Et pour le coup, SLC est sorti sous cette forme, revue selon ce support et avec ses particularités : qu’on se le dise, avec la charte graphique de SLC, les images sont mises en page à "fonds perdus" c’est mon choix graphique (que je ne vais pas expliquer ou ce sera trop long :) ) donc pour une nécessité technique je dois couper 3 mm de papier donc de l’image, cruellement certains photographes diront que "c’est recadré" (je ne vais pas revenir sur ce point ici non plus, trop loooong), mais c’est nécessaire sinon au moment du façonnage c’est impossible à couper nettement (ça passe en machine hein). Avec le POHL les images sont telles qu’elles : magie du numérique/web, on a aussi ajouté des liens vers les sites des photographes - pareil dans le SLC pas de folio, les noms sont en couverture dans l’ordre d’apparition dans les pages : on en avait parlé, je ne suis pas d’accord pour faire facile, ça force le lecteur à regarder l’objet vraiment (compter les pages s’il veux savoir qui est qui) mais ça lui donne aussi la liberté de regarder l’objet pour l’objet, de se régaler à regarder les images, contemplativement presque.
Autre support aussi : les murs d’Arles, et avant encore la vidéo "teaser" c’est Alexandre Liebert qui appartient au studio qui l’a monté.
Le studio a une publication en ligne depuis plusieurs mois le Previously on Hans Lucas, j’adore ! Et pour le coup, SLC est sorti sous cette forme, revue selon ce support et avec ses particularités : qu’on se le dise, avec la charte graphique de SLC, les images sont mises en page à "fonds perdus" c’est mon choix graphique (que je ne vais pas expliquer ou ce sera trop long :) ) donc pour une nécessité technique je dois couper 3 mm de papier donc de l’image, cruellement certains photographes diront que "c’est recadré" (je ne vais pas revenir sur ce point ici non plus, trop loooong), mais c’est nécessaire sinon au moment du façonnage c’est impossible à couper nettement (ça passe en machine hein). Avec le POHL les images sont telles qu’elles : magie du numérique/web, on a aussi ajouté des liens vers les sites des photographes - pareil dans le SLC pas de folio, les noms sont en couverture dans l’ordre d’apparition dans les pages : on en avait parlé, je ne suis pas d’accord pour faire facile, ça force le lecteur à regarder l’objet vraiment (compter les pages s’il veux savoir qui est qui) mais ça lui donne aussi la liberté de regarder l’objet pour l’objet, de se régaler à regarder les images, contemplativement presque.
Autre support aussi : les murs d’Arles, et avant encore la vidéo "teaser" c’est Alexandre Liebert qui appartient au studio qui l’a monté.
© Charlotte Gonzalez
Harl : Un studio, quarante-huit photographes présentés : comment s’est faite la sélection ?
CG : J’ai eu l’aide précieuse de membres du studio : Sophie Knittel, Jérémy Saint-Peyre, Philippe Dollo, et Michaël Duperrin.
Un studio, environ 220 membres. On a passé le site de tous les membres en revue, on a fouillé partout sans le dire, et on a monté une sélection.
Au départ, pour donner un chiffre, j’ai demandé cinquante photos, autoritairement, arbitrairement.
Ensuite, comme on allait imprimer en noir et blanc, on a privilégié les images noir et blanc.
Et de sélection en sélection on a épuré - il était entendu que j’aurais le dernier mot sur le choix (mon goût, mais aussi j’avais en tête la rizo, on ne peut pas tout faire en rizo...)
On est tombé à quarante-huit, la sélection était serrée, diversifiée, fonctionnait ; pourquoi en ajouter ?
Un studio, environ 220 membres. On a passé le site de tous les membres en revue, on a fouillé partout sans le dire, et on a monté une sélection.
Au départ, pour donner un chiffre, j’ai demandé cinquante photos, autoritairement, arbitrairement.
Ensuite, comme on allait imprimer en noir et blanc, on a privilégié les images noir et blanc.
Et de sélection en sélection on a épuré - il était entendu que j’aurais le dernier mot sur le choix (mon goût, mais aussi j’avais en tête la rizo, on ne peut pas tout faire en rizo...)
On est tombé à quarante-huit, la sélection était serrée, diversifiée, fonctionnait ; pourquoi en ajouter ?
Harl : Mais quelle idée de vendre à la criée, sous le manteau et dans les bistrots ? Ce livre se lit-il à la sauvette ?
CG : L’idée de vendre à la criée, c’est dans le même état d’esprit d’urgence et de désordre.
Au moment des Rencontres, il y a des lieux dédiés, je suis trop petite pour y être invitée (qu’on se le dise), mais j’adore les salons (j’en fais souvent) ; l’idée c’est d’aller chercher le lecteur, et un autre lecteur ailleurs, sortir le livre, le faire vivre, le faire passer. Il y a aura des petits vendeurs (encore merci au studio qui joue le jeu), on se ballade, on discute, on montre, on range, on vend ou pas, mais en tout cas on le voit, et on voit qu’il existe des photographes encore talentueux à découvrir.
Et aussi on voit qu’il existe des auteurs contemporains à lire : Christophe Manon a joué le jeu d’écrire avec les images, sans que ce soit un commentaire ces textes merveilleux, et j’ai même envie de dire "extrêmes et lumineux" (note titre de son dernier livre chez Verdier), sa plume est sensuelle, et sublime.
Ça se lit à la sauvette, ça se lit pas forcément, ça se regarde, ça se relit, ça se lira plus tard (en tout cas, ça existe et on n’y peut rien).
Au moment des Rencontres, il y a des lieux dédiés, je suis trop petite pour y être invitée (qu’on se le dise), mais j’adore les salons (j’en fais souvent) ; l’idée c’est d’aller chercher le lecteur, et un autre lecteur ailleurs, sortir le livre, le faire vivre, le faire passer. Il y a aura des petits vendeurs (encore merci au studio qui joue le jeu), on se ballade, on discute, on montre, on range, on vend ou pas, mais en tout cas on le voit, et on voit qu’il existe des photographes encore talentueux à découvrir.
Et aussi on voit qu’il existe des auteurs contemporains à lire : Christophe Manon a joué le jeu d’écrire avec les images, sans que ce soit un commentaire ces textes merveilleux, et j’ai même envie de dire "extrêmes et lumineux" (note titre de son dernier livre chez Verdier), sa plume est sensuelle, et sublime.
Ça se lit à la sauvette, ça se lit pas forcément, ça se regarde, ça se relit, ça se lira plus tard (en tout cas, ça existe et on n’y peut rien).
© Charlotte Gonzalez
© Charlotte Gonzalez
© Charlotte Gonzalez