Du 5 au 28 octobre 2018 se tient la troisième édition de SHOOT, à Chamonix. Ce festival de photographie d'auteur propose cette année une programmation assurément engagée, tournée notamment vers l'enfance, l'éducation et l'écoute. Les travaux issus de résidences sont également présentés, toujours en lien avec le territoire. Rencontre avec Laure Maugeais, directrice artistique de ce festival incontournable, installé au pied du mont Blanc.
Mélanie © Vincent Gouriou
Cette nouvelle édition du festival Shoot défend, une fois n’est pas coutume, une « programmation engagée ». Pourquoi ce choix et comment la distingues-tu de celles d’autres festivals de photographie ?
Laure Maugeais
Laure Maugeais : En fait, la programmation de SHOOT est toujours engagée, que ce soit dans ses propositions plastiques, de sujets ou de lieux d’exposition ; et puis, l’engagement porté aussi par notre leitmotiv d’éducation du regard se traduit par l’accueil de nombreuses classes en médiation. Des centaines de scolaires – du CP au lycée – se sont déjà inscrits pour visiter les expositions. L’engagement passe aussi dans la manière d’accueillir les artistes, l’engagement de rester toujours simple mais très professionnel… dans une vallée très portée par le sport, amener une telle proposition culturelle, n’est-ce pas être engagé ?
En matière de programmation, rétrospectivement, SHOOT#01 amenait des sujets autour du « ride et du voyage » avec notamment le travail de Tilby Vattard et celui de Vincent Cianni qui m’avait alors confié ses Polaroid originaux de son documentaire sur les jeunes roller-bladers à New York City « We skate hardcore ». J’avais alors scénographié cette série dans un musée patrimonial de la ville, la Maison de la Mémoire et du Patrimoine.
Pour SHOOT#02, j’ai fait une proposition autour du paysage « le geste de l’homme sur le territoire », avec notamment les magnifiques travaux de Bruno Fontana et Mathieu Farcy avec lesquels l’imagerie « montagne » est utilisée pour aller plus loin dans la réflexion sur le paysage. Et ceci, dans l’écrin chamoniard, c’était déjà un challenge par rapport aux attentes du public local.
Cette édition, « écouter, documenter », aborde le passage de l’enfance à l’âge adulte, leur rapport, le conditionnement parfois, l’encouragement aussi, autour de thèmes forts tels que le harcèlement scolaire, le transgenre, la vie d’enfants « sorciers » en République Démocratique du Congo. Oui, les lignes bougent, ce n’est pas à demi mesure.
En fait, à chaque édition, les photographes avec qui je choisis de travailler sont engagés dans leur démarche, leur sujet. Il y a leurs tripes dedans.
En matière de programmation, rétrospectivement, SHOOT#01 amenait des sujets autour du « ride et du voyage » avec notamment le travail de Tilby Vattard et celui de Vincent Cianni qui m’avait alors confié ses Polaroid originaux de son documentaire sur les jeunes roller-bladers à New York City « We skate hardcore ». J’avais alors scénographié cette série dans un musée patrimonial de la ville, la Maison de la Mémoire et du Patrimoine.
Pour SHOOT#02, j’ai fait une proposition autour du paysage « le geste de l’homme sur le territoire », avec notamment les magnifiques travaux de Bruno Fontana et Mathieu Farcy avec lesquels l’imagerie « montagne » est utilisée pour aller plus loin dans la réflexion sur le paysage. Et ceci, dans l’écrin chamoniard, c’était déjà un challenge par rapport aux attentes du public local.
Cette édition, « écouter, documenter », aborde le passage de l’enfance à l’âge adulte, leur rapport, le conditionnement parfois, l’encouragement aussi, autour de thèmes forts tels que le harcèlement scolaire, le transgenre, la vie d’enfants « sorciers » en République Démocratique du Congo. Oui, les lignes bougent, ce n’est pas à demi mesure.
En fait, à chaque édition, les photographes avec qui je choisis de travailler sont engagés dans leur démarche, leur sujet. Il y a leurs tripes dedans.
La thématique de l’enfance est très présente dans la programmation. Tel un prolongement de la structure Image Temps que tu as montée il y a plusieurs années…
Oui, c’est vrai mais pas seulement. Image Temps est souvent associée à l’enfance alors que, en effet, nous montons des résidences de missions éducatives mais aussi de la résidence de création pure. Nous mettons également en place des workshops et stages pour personnes âgées ou adultes et de la médiation tout public. D’ailleurs nous avons bâti l’intégralité du programme d’éducation à l’image du musée Maison de la Mémoire à Chamonix.
En fait, la programmation est d’abord partie d’une réflexion sur les écritures documentaires, et, j’ai été absorbée par le nombre de projets qui peuvent aujourd’hui aborder la thématique de la famille, de l’enfance, etc.
Finalement, le fil rouge cette année est la question identitaire, sa construction.
En fait, la programmation est d’abord partie d’une réflexion sur les écritures documentaires, et, j’ai été absorbée par le nombre de projets qui peuvent aujourd’hui aborder la thématique de la famille, de l’enfance, etc.
Finalement, le fil rouge cette année est la question identitaire, sa construction.
Harcelés © Virginie Plauchut
La maison de Claudine - © Chloé Colin
On sent comme une résonnance entre le lieu d’exposition choisi et le sujet proposé aux visiteurs. Comment sélectionnes-tu les dossiers ?
Inévitablement. Chaque exposition présentée est pensée en relation à l’autre et au lieu. Si elle est seule, c’est réflechi. Où elle est montrée, c’est réfléchi. Je ne fais aucun appel à projet. Je passe beaucoup de temps à voir, regarder, m’intéresser aux images et à leurs auteurs… Encore une preuve d’engagement de ma part, à savoir celle de potasser, chercher, creuser pour enfin trouver ce qui pourrait coller. Je m’engage, je n’y vais pas à demi mesure.
À travers les travaux présentés au festival Shoot, la notion de territoire tient également une place importante.
À chaque édition, la question du territoire est abordée notamment par les deux résidences.
Les deux se déroulent sur le territoire de la vallée de Chamonix. Chaque année, ce sont donc de nouvelles découvertes.
Les deux se déroulent sur le territoire de la vallée de Chamonix. Chaque année, ce sont donc de nouvelles découvertes.
Périscol'art © Laure Maugeais
Justement, peux-tu nous en dire plus sur ces résidences ? Comment se déroulent-elles ? Quels sont les sujets abordés et l’angle choisi pour Shoot #3 ?
La résidence de création SHOOT a été jusqu’ici une première expérience professionnelle pour un « jeune » photographe. De part son expertise du médium photographique et ses qualités pédagogiques, la structure Image Temps ouvre la porte des possibles afin d’accompagner l’artiste en résidence.
Cette année, aucun appel à projet. Il y avait plusieurs envies, celle d’inclure le public « âgé », questionner les écritures documentaires ; je souhaitais aussi pousser l’utilisation des techniques « afghan box » et « sténopé » associées à des recherches autour de la mémoire, la mémoire des anciens, leur lien au territoire chamoniard.
Ainsi donc, j’ai invité Benoit Capponi et Clémence Moreau à coopérer ensemble pour réaliser un projet à la maison de retraite de Chamonix. Ils utilisent les techniques photographiques précitées. Guidés par leurs rencontres avec les résidents de l’Ehpad Hélène Couttet et les aînés de la salle de convivialité Marie Paradis, ils ont bâti un délicat cheminement photographique associant récits contés par les anciens à leur regard personnel. Leur série, intitulée « Ici quelque part », est une vision brute, singulière et très touchante. Leur projet devient la voix des résidents, une totale complicité, sans mensonge aucun.
La résidence Périscol’art est un gros programme territorial intercommunautaire auquel de très nombreuses heures d’intervention sont nourries des recherches de l’artiste ; les pratiques artistiques sont extrêmement riches et apportent toujours un nouveau regard sur la vallée.
Image Temps dans son essence soutient la création photographique ; elle permet donc les échanges entre les publics et les artistes pour une expérimentation des idées, des projets, de l’être ensemble.
Mais en montant ces résidences, notre intention est aussi celle de coopérer avec de nouvelles personnes, de nouveaux partenaires, faire s’impliquer des personnes qui n’en ont pas l’habitude, réunir des improbables, investir les différents acteurs.
Cette année, aucun appel à projet. Il y avait plusieurs envies, celle d’inclure le public « âgé », questionner les écritures documentaires ; je souhaitais aussi pousser l’utilisation des techniques « afghan box » et « sténopé » associées à des recherches autour de la mémoire, la mémoire des anciens, leur lien au territoire chamoniard.
Ainsi donc, j’ai invité Benoit Capponi et Clémence Moreau à coopérer ensemble pour réaliser un projet à la maison de retraite de Chamonix. Ils utilisent les techniques photographiques précitées. Guidés par leurs rencontres avec les résidents de l’Ehpad Hélène Couttet et les aînés de la salle de convivialité Marie Paradis, ils ont bâti un délicat cheminement photographique associant récits contés par les anciens à leur regard personnel. Leur série, intitulée « Ici quelque part », est une vision brute, singulière et très touchante. Leur projet devient la voix des résidents, une totale complicité, sans mensonge aucun.
La résidence Périscol’art est un gros programme territorial intercommunautaire auquel de très nombreuses heures d’intervention sont nourries des recherches de l’artiste ; les pratiques artistiques sont extrêmement riches et apportent toujours un nouveau regard sur la vallée.
Image Temps dans son essence soutient la création photographique ; elle permet donc les échanges entre les publics et les artistes pour une expérimentation des idées, des projets, de l’être ensemble.
Mais en montant ces résidences, notre intention est aussi celle de coopérer avec de nouvelles personnes, de nouveaux partenaires, faire s’impliquer des personnes qui n’en ont pas l’habitude, réunir des improbables, investir les différents acteurs.
Ici quelque part - © Benoît C. - Clémence M.
Le festival Shoot fête cette année sa troisième bougie. Quels projets souhaiterais-tu développer dans le cadre de cet événement ?
Je me garde pour l’instant de développer mes idées ; je me préserve aussi. Je préfère être bien ancrée au présent afin de mieux accueillir demain. Ainsi, je suis disponible pour les médiations qui se tiennent tous les jours.
Festival SHOOT #3
5 au 28 octobre 2018
Chamonix et villes alentours
www.festivalshoot.com
Festival SHOOT #3
5 au 28 octobre 2018
Chamonix et villes alentours
www.festivalshoot.com
Les enfants sorciers - © William Dupuy
Mélanie - © Vincent Gouriou
