Le Révélateur #42 | Drowning bride, d’Anne-Laure Étienne | France | Lyon |
Et si…
Il suffit parfois d’emprisonner un adverbe entre une simple conjonction et trois fines bulles en suspension pour en faire chanceler le sens, glissant inéluctablement de l’intensité enchantée – vous êtes si radieuse et semblez si sûre de vous aujourd’hui – au doute le plus abyssal – et si ce n’était pas lui, et si ce n’était plus moi… Et l’instant d’après, le silence. Envahissant. Submergeant.
S’engager par le mariage, c’est, dit-on, savoir faire le grand saut, accepter de se jeter à l’eau ; et espérer couler des jours heureux. Et si… Et si, à quelques pas de cet autel massif, solidement ancré, la princesse d’un jour trébuchait, se sentant brusquement à l’étroit dans son enveloppe de soie ? Proposez-lui de l’organza, du satin, de la dentelle, rien n’y fera. Proposez-lui une noyade, elle y réfléchira. À moins, bien entendu, qu’elle n’ait déjà eu cette idée de plonger dans l’abîme ; de s’abandonner un moment dans d’opportunes eaux troubles ; de ne sentir sur sa peau que le ruissellement d’ultimes sphères d’oxygène ; de se perdre, enfin, dans les limbes pour en ressortir débarassée du poids de l’engagement et couler, ensuite, ces jours heureux tant loués.
À travers sa série photographique, intitulée Drowning bride, Anne-Laure Étienne atteste d’une rare réceptivité à l’égard de son modèle, Sandra. Dans cette séquence de vie aux faux airs de ballet aquatique, la photographe capte avec délicatesse l’abandon de soi, prenant ici l’allure d’une étonnante descente en apesanteur d’une âme jusque là combative et courageuse avant d’être soudainement prise d’une angoisse ; cette dernière semble alors se dissiper lentement sous nos yeux, dans un enchevêtrement d’effets de lumières renaissantes et de couleurs irradiantes. L’approche raffinée de cette coloriste lyonnaise fort prometteuse nous donnerait presque l’envie – ou le besoin – de tomber, à notre tour, à la renverse.
Gérald Vidamment
Des photographies d’Anne-Laure Étienne sont actuellement exposées à Lyon dans la galerie d’art Conan.Hürg, impasse Catelin, en duo avec Julie Cherki. Jusqu’au 16 mai 2019.
Et si…
Il suffit parfois d’emprisonner un adverbe entre une simple conjonction et trois fines bulles en suspension pour en faire chanceler le sens, glissant inéluctablement de l’intensité enchantée – vous êtes si radieuse et semblez si sûre de vous aujourd’hui – au doute le plus abyssal – et si ce n’était pas lui, et si ce n’était plus moi… Et l’instant d’après, le silence. Envahissant. Submergeant.
S’engager par le mariage, c’est, dit-on, savoir faire le grand saut, accepter de se jeter à l’eau ; et espérer couler des jours heureux. Et si… Et si, à quelques pas de cet autel massif, solidement ancré, la princesse d’un jour trébuchait, se sentant brusquement à l’étroit dans son enveloppe de soie ? Proposez-lui de l’organza, du satin, de la dentelle, rien n’y fera. Proposez-lui une noyade, elle y réfléchira. À moins, bien entendu, qu’elle n’ait déjà eu cette idée de plonger dans l’abîme ; de s’abandonner un moment dans d’opportunes eaux troubles ; de ne sentir sur sa peau que le ruissellement d’ultimes sphères d’oxygène ; de se perdre, enfin, dans les limbes pour en ressortir débarassée du poids de l’engagement et couler, ensuite, ces jours heureux tant loués.
À travers sa série photographique, intitulée Drowning bride, Anne-Laure Étienne atteste d’une rare réceptivité à l’égard de son modèle, Sandra. Dans cette séquence de vie aux faux airs de ballet aquatique, la photographe capte avec délicatesse l’abandon de soi, prenant ici l’allure d’une étonnante descente en apesanteur d’une âme jusque là combative et courageuse avant d’être soudainement prise d’une angoisse ; cette dernière semble alors se dissiper lentement sous nos yeux, dans un enchevêtrement d’effets de lumières renaissantes et de couleurs irradiantes. L’approche raffinée de cette coloriste lyonnaise fort prometteuse nous donnerait presque l’envie – ou le besoin – de tomber, à notre tour, à la renverse.
Gérald Vidamment
Des photographies d’Anne-Laure Étienne sont actuellement exposées à Lyon dans la galerie d’art Conan.Hürg, impasse Catelin, en duo avec Julie Cherki. Jusqu’au 16 mai 2019.
Photos : © Anne-Laure Étienne - Tous droits réservés